Art & Architecture
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Découvrez pas à pas les secrets d'une attribution.
Ce portrait d’un homme âgé d’une quarantaine ou d’une cinquantaine d’années peut être daté autour des années 1640-1670 si l’on se réfère au col étroit, assez caractéristique du costume masculin de cette période.
Ce qui frappe dans ce portrait de qualité est l’aspect souriant, voire un peu ironique, du personnage représenté. Ce type d’expression est assez rare dans les portraits officiels et c’est pour cette raison que le nom de Jean-Baptiste Colbert a été évoqué, le portrait qu’en a fait Philippe de Champaigne étant souriant. Cependant, l’absence de la fossette au niveau du menton, caractéristique du ministre de Louis XIV, permet d’éliminer cette hypothèse.
C’est vers le manteau rouge, porté sur une épaule, et le col qu’il faut se tourner pour avancer dans l’identification. Ces éléments permettent de trancher en faveur d’une représentation d’échevin. En effet, le prévôt des marchands et les quatre échevins de Paris qui l’assistent portent dans leurs portraits officiels un manteau rouge sur l’épaule droite, comme le portrait collectif exécuté par Philippe de Champaigne, Le prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris conservé au musée du Louvre, en est l’illustration. Officiers municipaux élus pour deux ans, ils forment le « petit bureau » du corps de ville qui exerce des fonctions administratives et judiciaires et des compétences variées ayant trait à l’organisation de la ville (circulation, voirie, approvisionnement, fêtes…).
En ce qui concerne l’identité du peintre ayant réalisé ce portrait, une attribution au cercle de Philippe de Champaigne peut être envisagée. Philippe de Champaigne, dont le portrait du cardinal Richelieu est conservé au château d’Aulteribe, attribué lui avec certitude, est né en 1602 à Bruxelles et mort à Paris en 1674. Formé dans des ateliers de Bruxelles, sans doute chez Jean de Bouillon, il rejoint Paris en 1621 après avoir, fait notable, refusé d’entrer dans l’atelier de Pierre-Paul Rubens.
Dans la capitale française, il travaille au côté de Nicolas Poussin dans l’atelier de Georges Lallemant, atelier qu’il quitte aux alentours de 1625. Il travaille ensuite pour les décors du palais du Luxembourg où il se fait remarquer par la reine-mère, Marie de Médicis, et devient son Premier peintre. Il est avec Simon Vouet, l’un des peintres majeurs du règne de Louis XIII. Aussi habile dans la peinture d’histoire que dans le portrait ou les natures mortes, Philippe de Champaigne est un peintre complet à la tête d’un vaste atelier. Sa manière de peindre les portraits se caractérise par une observation scrupuleuse de la psychologie et des détails physiques de son modèle, comme les peintres du nord, couplée à un chatoiement des drapés et costumes, des poses sobres, mais souvent dramatisées par le biais de la position des mains. Pour cet ensemble de raisons, le portrait d’Aulteribe, sans présenter les qualités techniques indéniables du peintre, peut être rapproché de la manière de Philippe de Champaigne.
© Centre des monuments nationaux/David Bordes.
© Centre des monuments nationaux/David Bordes.
© Centre des monuments nationaux/David Bordes.
Anthony Blunt, « Philippe de Champaigne's Portraits of the Echevins of Paris », The Burlington Magazine for Connoisseurs, vol. 82, n°481,1943), p. 83-87.
Bernard Dorival, Philippe de Champaigne (1602-1674) : la vie, l’œuvre et le catalogue raisonné de l’œuvre, Paris, Laget, 1976, 2 vol.
Jean Hubac, « Le prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris », Histoire par l'image [en ligne],